Revanche et victoires d’Adrien

Adrien est atteint d’une dyslexie très sévère, pour laquelle il est suivi à l’hôpital Robert-Debré à Paris.

Depuis le CE2, il bénéficie d’une scolarité tenant compte de sa déficience, lourde de conséquences dans les apprentissages.

Nous avons tout au long de ce parcours rencontré, dans l’ensemble, des enseignants à l’écoute et prêts à « jouer le jeu ».

Depuis l’âge de 3-4 ans, Adrien s’est toujours rendu à ses 3 séances hebdomadaires d’orthophonie sur le temps scolaire. Par exemple, il ne participait pas aux leçons d’orthographe (à la dictée) ou  de conjugaison. Au collège, les langues vivantes classiquement enseignées ont rapidement été abandonnées et les créneaux ainsi libérés étaient remplacés par les séances d’orthophonie. Même l’été, il n’a jamais arrêté ses séances, sinon c’était la cata !

Aujourd’hui encore, il retrouve toujours sur notre lieu de vacances, à Arcachon, une orthophoniste en partenariat avec celle d’Amiens.

 

ð Le sport comme élément moteur

Par ailleurs, petit, Adrien a manifesté des envies de faire du sport et a montré des capacités qui lui ont permis d’être admis en 6e athlé. dans un collège public à proximité de chez nous (collège Jean-Marc Laurent à Amiens). Son gabarit fluet (à cette époque) et ses capacités d’endurance particulières l’orientèrent vers le cross et le demi-fond. En même temps, il s’est mis à la boxe française avec autant de réussite

Nous ne savons pas si ce sont les difficultés rencontrées par Adrien qui lui ont donné cette endurance et cette envie de courir de longues distances. En tant que parent, il est parfois difficile de suivre son enfant qui en plein hiver picard, court dans la campagne jusqu’à 10 km. Adrien avait et a toujours besoin de ces entraînements sportifs quotidiens. La réussite dans le sport a certainement aidé notre fils dans son épanouissement personnel et à dépasser son handicap.

Lors de son entrée dans ce collège et durant ces 4 années dans cette classe spécifique, les professeurs ont toujours cherché à aménager les évaluations qu’Adrien réalisait à l’oral ou avec un secrétaire en 4e et 3e, afin de le préparer aux épreuves du Brevet adaptées dans ce sens.

Dès son entrée en 6e, Adrien a pu bénéficier de l’aide d’un emploi jeune quelques heures par semaines, à l’initiative du principal du collège, et ce, avant même l’existence des AVS. Dès que ce type d’emploi fut créé, Adrien obtint 6 puis 9 heures d’AVS par semaine.

Dans cette classe de bon niveau scolaire, les réussites aux divers championnats font partie intégrante de la scolarité et créent un esprit de groupe. Adrien a toujours eu beaucoup de copains et se sentait tout à fait à sa place dans cette filière, où ses résultats étaient mis en avant.

ð La poursuite de la scolarité

Grâce aux aménagements multiples en primaire et au collège, Adrien, à force de volonté, a pu poursuivre une scolarité sans redoubler. En fin de 3e, il « ânonnait » comme un enfant de CP et ses productions écrites n’avait toujours pas de sens.

Nous aurions souhaité, malgré de bonnes notes au brevet, qu’il choisisse une filière professionnelle, mais il ne l’entendait pas du tout ainsi. Il voulait aller en 2de générale. De notre côté, cela ne nous paraissait pas envisageable, car trop lourd pour lui. Le principal du collège pensait, quant à lui, qu’il fallait essayer et qu’Adrien devait se confronter à ses choix même si cela semblait impossible. Nous préparâmes alors cette entrée au lycée. Le nombre d’heures d’AVS passa à 12.

Les relations avec les professeurs furent plus compliquées. Pour eux, l’enseignement technique était plus adapté. Au moment du choix de la section en fin de 2de, et malgré des informations éclairées, il fit une demande pour une 1re ES, certainement la filière la moins adaptée, compte tenu des matières enseignées.

 

ð Concernant les 2 langues vivantes obligatoires en ES

Adrien proposa d’apprendre le chinois et la LSF (Langue des Signes Française), auxquelles il portait de l’intérêt depuis longtemps. Pour la première, il trouvait passionnant que des signes (idéogrammes) puissent prendre sens pour lui plus facilement que sa propre langue. Nous l’avons inscrit au CNED, cette langue n’étant pas enseignée dans les lycées amiénois. Nous avons complété cet enseignement grâce à l’aide d’un étudiant chinois à qui nous avons enseigné en échange le français. Pour la LSF, Adrien avait vu un téléfilm américain dans lequel une maman communiquait par ce biais avec son enfant. Il trouva cela surprenant et nous demanda là encore d’apprendre cette langue. Nous trouvâmes alors une association, l’URAPEDA qui pouvait dispenser des cours. Adrien se lança dans l’apprentissage de ces 2 langues. Cela fut notifié dans le PPS et les notes portées sur les bulletins, même si à cette époque la LSF ne se présentait pas au BAC. Les démarches furent réalisées dans ce sens par la suite grâce au partenariat entre les associations et les diverses institutions concernées et aboutirent en 2008.

ð Les aménagements au bac et toujours le sport

Il fallut attendre la réussite d’Adrien aux épreuves anticipées du BAC en fin de 1re pour que tous et même ses parents, admettent que cela puisse être possible.

Par ailleurs, comme s’il n’en faisait déjà pas assez, Adrien s’était inscrit seul dans un nouveau sport. Depuis des années, il rêvait de foot américain. Compte tenu de ses dispositions en course, il se montra rapidement très performant dans ce sport. Ce qui l’a conduit cette année à intégrer un des stages de l’équipe de France et le « Pôle Espoir » !

 

ð L’échelonnement des épreuves :

lors de la rédaction du PPS en début de terminale, il avait été convenu qu’Adrien ferait cette classe sur 2 ans et qu’il passerait de façon échelonnée les épreuves du baccalauréat, comme le permet la loi de février 2005.

ð Les langues :

il a finalement abandonné le chinois, car il était trop difficile d’obtenir un niveau correct en LV1 ou LV2 en n’ayant commencé cette langue qu’en 2de. Nous avons obtenu qu’Adrien soit exempté de LC1 et LV2 et qu’il puisse présenter la LSF (Langue des Signes Française) qu’il continuait d’apprendre avec succès en LV3. Il a obtenu un 15 au BAC.

ð Le secrétariat et le tiers temps :

Adrien a passé toutes les épreuves du BAC avec l’aide d’un secrétaire dont il maîtrise bien la gestion. Il a par ailleurs utilisé le tiers temps en totalité pour chaque épreuve, même pour celle très longue d’économie sociale. Ses capacités d’endurance et son entraînement peuvent expliquer comment il a pu rester plus de 7 heures avec le secrétaire. Lui seul pourrait expliquer comment il travaille avec cet outil dont il ne peut se passer.

Adrien a voulu se présenter à toutes les épreuves du BAC en fin d’année. Il a été admissible à l’oral, mais n’a pas suffisamment rattrapé de points afin de l’obtenir cette année. En effet, Adrien a des difficultés d’expression et ne peut, en peu de temps, comme c’est le cas à l’oral, mobiliser ses connaissances.

De plus, il a refusé le secrétaire lors de ces épreuves.

 

Néanmoins, il ne repassera pas toutes les matières l’année prochaine.

Là, le choix d’Adrien s’est heurté à la réalité et nous aurions probablement du garder en tête l’idée d’un BAC en 2 ans (2 grosses matières la 1re année, 2 autres la suivante).

Il va donc rester comme cela était prévu en terminale ES pour l’année prochaine tout en intégrant le « Pôle Espoir ».

Face à sa déficience, Adrien a vraiment eu des aides précieuses qui lui ont permis de s’épanouir et de réaliser ses objectifs, mais elles auraient été insuffisantes sans l’immense volonté et le courage dont Adrien a dû faire preuve.

ð L'aventure continue :

2009 est pour Adrien l’année de la consécration de tous ses efforts.

Après avoir tant travailler, le résultat est tombé : Adrien est bachelier avec 12,06 de moyenne.

 

Non content de ce résultat, il s’est envolé pour les Etats-Unis pour y disputer quelques matchs de football américain.

A nouveau ses talents ont été récompensés puisqu’Adrien a été désigné comme « l’Homme du Match » par la presse locale. Passages à la télévision, conférence de presse, … de quoi donner beaucoup d’espoir à nos enfants dyslexiques et en redonner aux parents qui seraient dans le doute.

Mais il ne pouvait pas s’arrêter là …

Désormais, vous croiserez Adrien sur votre route, puisque 2009 sera également l’année où il aura obtenu son permis de conduire, et à la première tentative qui plus est …

Catherine PERNET, AMIENS